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MAGHREB PHOTOGRAPHY AWARDS

Interview Lynn SK - "Maghreb Photographer" of 2017

- Tu fais de la photo depuis combien de temps et comment en es-tu venu à utiliser ce médium pour t'exprimer ?

Depuis mes 17 ans, environ, et j'en ai 31. Je n'ai pas eu un seul moment décisif, cela s'est plutôt fait petit à petit, à l'adolescence - même si mon père m'a récemment raconté que petite, je voulais photographier la lumière sur les arbres, et qu'il me confisquait l'appareil car cela n'avait pas de sens pour lui !

Donc, vers 15/16 ans, j'avais un besoin de m'exprimer comme une urgence, c'était comme pour beaucoup une période assez intense, exigeante, et le monde n'avait pour moi aucun sens sans la possibilité de créer, de lire ou de voir des images, fixes ou animées... J'ai commencé d'abord à écrire, puis à créer des sites web artistico-bizarres...

Pendant quelques mois, j'avais des idées, des images en tête, des obsessions visuelles, avant d'avoir un appareil photo numérique totalement imparfait entre les mains. Quand je l'ai obtenu, j'ai commencé, très vite, par jouer avec l'autoportrait et photographier mon entourage proche, dans une approche entre fiction et "réalité". J'étais très influencée par le cinéma et je voulais en faire, jusqu'à ce que la photographie gagne du terrain, petit à petit...

- Ou trouves-tu ton inspiration en général ? Y'a-t-il des artistes qui t'inspirent encore ?

Je mets du temps à voir consciemment le lien qu'il peut y avoir entre un cinéaste qui m'a inspirée et comment cela peut se ressentir dans une de mes photographies. Mais clairement, on m'a toujours dit qu'il y a une influence cinématographique très forte... même si je suis moins boulimique culturellement qu'avant : à 20 ans je regardais peut-être trois films par semaine, je lisais énormément, et je pense qu'une bonne partie de ma culture visuelle s'est formée à ce moment-là... J'étais très marquée par certains films, comme Innocence de Lucile Hadzihalilovic, Mauvais Sang de Carax, La Jetée de Chris Marker... Pour les photographes, c'était Sarah Moon, Francesca Woodman, Lise Sarfati, et je pense, aussi, que les écrivains m'ont accompagnée plus que les photographes, qu'il s'agisse d'Anaïs Nin, Sylvia Plath, Lola Lafon... En ce moment, je relis Nina Bouraoui et Clarice Lispector... Je suis de nature très curieuse, donc je ne passe pas un jour sans regarder ou lire des images, même si cela se fait de manière plus éparpillée qu'avant, avec Internet, et que je découvre aussi beaucoup de choses via les réseaux sociaux, ce qui est à la fois magique et absolument chronophage...

- Raconte-nous dans quelles circonstances tu as décidé de commencer ta série : « Rue Belouizdad, Alger » ?

En octobre 2014, je suis retournée en Algérie, où je suis née, alors que je n'y avais pas mis les pieds pendant 17 ans. J'y avais vécu jusqu'à mes sept ans, et j'y étais retournée pendant les vacances jusqu'à mes 10 ou 11 ans, puis il y a eu comme un grand vide, jusqu'à mes 27 ans. Cela faisait déjà quelques années que l'idée du retour germait petit à petit, en même temps que j'en avais peur... alors j'ai monté un projet, celui de photographier les femmes algériennes, j'ai monté un financement sur Kiss Kiss Bank Bank, et le fait de voir qu'une cinquantaine de personnes me soutenaient et s'intéressaient à cette histoire m'a donné l'élan de faire ce voyage... C'était assez bouleversant de me retrouver face à mes souvenirs d'enfance, à ce questionnement sur mon identité, et je ne savais plus quoi photographier, comment, quelle était mon écriture... Et puis, aujourd'hui, on nous demande d'aller très vite, d'être toujours productif et efficace, alors qu'il fallait simplement donner du temps au temps... Et quelques mois plus tard, je suis tombée sur un workshop avec Bruno Boudjellal à Alger, dont j'ai suivi la deuxième partie, en auditeur libre. Ça m'a permis de me retrouver avec moi-même, et de sortir de la grande histoire "Algérie", de mes mois de recherches et de documentations et je me suis rappelée que je serai toujours une photographe de l'expérience intime, subjective. Alors, pour commencer à raconter quelque chose de ce retour au pays, j'ai rassemblé mes photos prises dans l'appartement de mes tantes, dans lequel je vis quand je suis à Alger... Plutôt que de vouloir "tout dire", cela avait plus de sens de montrer un pays à travers le huis clos d'un appartement... et bien sûr, "the personal is political" !

- Qu'en penses-tu du concours « Maghreb Photography Awards » ?

C'est une proposition absolument nécessaire et salutaire, et j'espère qu'elle inspirera d'autres projets similaires, qu'ils soient des concours, des festivals, des institutions... C'est toujours une histoire de représentations, et de permettre des représentations autres, du Maghreb et de ses habitants... J'espère que cela pourra donner une visibilité à ceux qui parlent du Maghreb autrement...

Et puis, la photographie d'auteur est encore à ses balbutiements, surtout en Algérie, mais je pense que quelque chose bouge, ces dernières années, et ce concours va dans ce sens... J'espère que cela pourra donner lieu à un bel effet papillon.

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